LA BATAILLE de la Mer
de CORAIL (7 - 8/5/42)

Après leurs rapides et faciles succès
lors des premiers mois de guerre, les Japonais projettent l'invasion
de l'Australie. Devant le désaccord qui règne entre la
marine et l'armée de terre, un compromis est trouvé :
le Japon se rendra maître de la Papouasie Nouvelle Guinée
et investira Port Moresby. Yamamoto, amiral en chef de la flotte combinée,
sait que le temps lui est compté : "Nous pouvons encore
accroître nos conquêtes pendant un an, après je ne
sais pas". Il connaît bien la mentalité américaine
et sait que les États-Unis vont convertir leur industrie en machine
de guerre. Un évènement va lui donner raison et emporter
la décision d'une action rapide et de grande envergure : Le 18
avril, 16 B-25 sous le commandement du colonel Doolittle décollent
des porte-avions Hornet et Enterprise pour aller bombarder Tokyo. Les
dommages matériels sont peu conséquents (le porte-avions
Ryujo sera légèrement endommagé), mais l'effet
sur le moral des japonais est très important. Une telle opération
n'a été possible que depuis un porte-avions, d'où
l'urgence de se débarrasser de la menace que pose encore la marine
américaine. Il parvient à faire adopter son plan d'attaque
conjuguée de Midway et des Aléoutiennes mais doit consentir
à isoler l'Australie en envahissant les îles Salomon, Samoa,
Fidji et la Nouvelle Calédonie.
Le plan "Mo" vise la chute de Port Moresby
:
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Sous les ordres de l'amiral Fletcher
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Sous les ordres de l'amiral Inouye
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Force de frappe
sous les ordres du vice-amiral Takagi |
Porte-Avions |
Yorktown - 70 ~ 90 avions
Lexington - 80 ~ 90 avions (Coulé) |
Porte-Avions |
Shokaku - 75 ~ 85 avions : Très endommagé
Zuikaku - 75 ~ 85 avions : Aviation détruite |
Croiseurs lourds |
Minneapolis : 3 tourelles doubles de 200 mm
New Orleans : 3 tourelles doubles de 203 mm
Astoria : 3 tourelles doubles de 203 mm
Chester : 3 tourelles doubles de 203 mm
Australia : 4 tourelles doubles de 204 mm
Chicago : 3 tourelles doubles de 200 mm
Portland : 3 tourelles doubles de 200 mm |
Croiseurs lourds |
Myoko (5 tourelles doubles de 203 mm)
Haguro (5 tourelles doubles de 203 mm) |
Croiseurs léger |
Hobart |
Avions |
80 perdus |
Destroyers |
13 (Sims coulé) |
Destroyers |
6 |
Pétrolier |
Neosho (Coulé) |
Force
de couverture éloignée sous les ordres du contre-amiral
Goto |
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Porte-Avions |
Shoho - 30 avions (Coulé) |
Avions |
66 perdus |
Croiseurs lourd |
Aoba : 3 tourelles doubles de 200 mm
Furutaka : 3 tourelles doubles de 200 mm
Kako : 3 tourelles doubles de 200 mm
Kinugasa : 3 tourelles doubles de 200 mm |
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Destroyers |
1 |
CHRONOLOGIE
1er mai : Devant le projet
de débarquement japonais en Nouvelle Guinée, les américains
envoient la flotte du contre amiral Fletcher pour les contrer.
3 mai : Les japonais,
sous la protection du groupe du Shoho, débarquent à
Tulagi et y établissent une base de 6 hydravions.
4 mai : 100 milles au
Sud-Ouest de Guadalcanal.
- 6 h 30 : 12 avions torpilleurs, 28 bombardiers en piqué et
6 chasseurs décollent du Yorktown.
- 8 h 15 ~ 8 h 30 : les appareils du Yorktown arrivent au
dessus de Tulagi et coulent 1 contre-torpilleur, 1 dragueur de mines
et 2 navires auxiliaires. Les japonais savent maintenant que le plan
"Mo" se jouera en présence d'au moins un porte-avions
américain. 3 appareils américains (2 chasseurs et 1
avion torpilleur) sont perdus.
Devant le peu de résultats, Fletcher se replie
en direction du sud. Pendant ce temps, les porte-avions japonais Zuikaku
et Shokaku font route à toute vapeur pour doubler l'île
de San Cristobal à l'Est des îles Solomons en espérant
prendre la force américaine à revers
5 mai : Fletcher a rejoint
le groupe du Lexington à l'aube, à une position
qui les situe environ 400 miles au sud de Tulagi. Takagi pénètre
dans la Mer de Corail à la mi-journée et manque une occasion
d'anéantir la flotte américaine : Le Yorktown et
le Lexington sont en train de se ravitailler en fuel dans des
conditions telles qu'ils sont on ne peut plus vulnérables. Après
être parvenu à 100 miles au sud de Guadalcanal, Takagi,
constatant que l'ennemi lui a échappé, oblique au sud
Une fois le réapprovisionnement terminé, Fletcher met
le cap sur la Nouvelle Guinée dans le but d'intercepter la flotte
d'invasion de Port Moresby Dans l'après-midi, Port Moresby est
bombardé par des appareils japonais.
Nuit du 5 au 6 mai : Les
deux formations passent à près de 70 miles nautiques l'une
de l'autre.
6 mai : Les deux flottes
semblent s'oublier. Les américians campent sur leurs positions.
Le groupe d'invasion se trouve au soir du 6 juste au nord des Lousiades.
Son groupe de couverture, qui a refait le plein de fuel, fait route
au sud-ouest depuis Tulagi.
- 10 h 30 : Le groupe d'invasion est attaqué sans succès
et signalé par des B-17 basés en Australie. L'information
permettant à Fletcher de connaître les intentions des
japonais, il file à pleine vitesse vers l'ouest pour se préparer
à lancer ses avions à l'aube. Le pétrolier Neosho
et le destroyer Sims font quant à eux route au sud vers
un nouveau point de ravitaillement.
7 mai : Au matin du 7,
Fletcher vire au nord.
- 6 h 45 : le groupe de croiseurs de Crace est détaché
du groupe et Fletcher prend la direction du nord-ouest, vers la Nouvelle
Guinée. Simultanément, les deux protagonistes lancent
leurs appareils de reconnaissance à l'aube.
- 8 h 14 : un avion de reconnaissance américain signale 2 porte-avions
et 4 croiseurs lourds, 225 miles au nord-ouest
- 8 h 30 : le Sims et le Neosho sont découverts
et sont signalés comme "un porte-avions et un croiseur
léger". Takagi, voyant là sa chance, lance une
attaque massive : tous les appareils japonais prennent l'air
- 9 h 26 : le Lexington lance ses appareils : 28 bombariders
en piqué, 12 avions-torpileurs et 10 chasseurs.
- 9 h 46 : le Yorktown lance ses appareils : 23 bombariders
en piqué, 10 avions-torpileurs et 8 chasseurs.
- 10 h 38 : les avions japonais arrivent sur leur cible.
- 11 h : les avions du Yorktown et de Lexington attaquent
le porte-avions léger Shoho. Il est atteint par 13 bombes
et au moins 7 torpilles
- 11 h 36 : le Shoho coule. C'est le premier navire japonais
de tonnage supérieur à un destroyer coulé depuis
Pearl Harbor. Inquiet de la tournure prise par les évènements,
l'amiral Inouye ordonne au convoi d'invasion de rebrousser chemin.
- 12 h : après deux attaques infructueuses par des bombardiers
d'altitude, 36 bombardiers en piqué attaquent le Sims
et le Neosho. Le Sims coule et le Neosho dérive.
- 16 h 30 : les appareils japonais qui ont coulé le Sims
reprennent l'air pour essayer de trouver les porte-avions américains.
Takagi sait que le retour risque de s'effectuer à la nuit tombée
et a donc choisi ses meilleurs pilotes pour cette opération.
Le Shokaku et le Zuikaku font en effet partie des porte-avions
qui ont participé à l'attaque de Pearl Harbor. La chance
n'est pas avec eux car le mauvais temps réduit fortement la
visibilité.
- 17 h 47 : une formation d'avions ennemis est signalée à
18 milles de la flotte américaine. Les avions du Lexington
et du Yorktown en abattent 7
- 19 h 10 : un groupe d'appareils se présente face au Yorktown,
prêts à apponter. Les batteries anti-aériennes
en abattent 1. Dans la pénombre, les japonais avaient confondu
la silhouette du navire.
Sur les 27 appareils japonais engagés, seuls
18 regagneront leur porte-avions.
8 mai
- 6 h 25 : 16 avions de reconnaissance décollent du Lexington,
dans tous les azimuts de la position de Fletcher.
- 8 h 15 : Un premier rapport signale les japonais.
- 8 h 28 : Un second rapport est plus explicite : "2 porte-avions,
4 croiseurs lourds et nombreux destroyers à 175 milles au Nord-Est,
direction 120, vitesse 20 nœuds." Fletcher n'hésite
pas et donne l'ordre d'attaque aérienne.
- 9 h 15 : les japonais repèrent la flotte américaine.
- 9 h 25 : les avions du Yorktown prennent leur envol : 24
bombardiers en piqué, 9 avions torpilleurs et 6 chasseurs.
- 9 h 35 : les appareils du Lexington décollent : 18
bombardiers en piqué, 12 avions torpilleurs et 9 chasseurs.
- 10 h 30 : les bombardiers en piqué du Yorktown trouvent
les japonais mais se placent dans les nuages pour attendre les avions-torpilleurs
et coordonner l'attaque.
- 10 h 57 : le Zuikaku étant dissimulé par un
grain, les avions du Yorktown attaquent le Shokaku.
Toutes les torpilles ratent leur but ou n'explosent pas mais 2 bombes
endommagent gravement le Shokaku.
- 11 h 18 : les appareils japonais sont signalés par le radar
à 70 miles de la formation américaine.
- 11 h 23 : 18 avions-torpilleurs, 33 bombardiers en piqué
et 18 chasseurs s'attaquent au Lexington et au Yorktown.
Ce dernier évite 8 torpilles est traversé par une bombe
de 400 kg qui explose au 4ème pont. Le Lexington, moins
manoeuvrable, est atteint par 2 torpilles sur bâbord et 2 bombes
sur les superstructures et sur l'avant. Il gîte de 7° mais
tout sera corrigé en déballastant l'huile. Le navire
pourra même sans problème récupérer ses
appareils au retour de leur mission.
- 12 h 47 : une énorme explosion secoue le Lexington,
suivie d'une série d'explosions internes qui coupent les communications.
- 14 h 45 : Nouvelle explosion et, cette fois, le feu devient incontrôlable.
- 19 h 56 : le Lexington est coulé par un contre-torpilleur
pour éviter qu'il ne tombe aux mains de l'ennemi.
Tactiquement, seulement en considérant la bataille,
le succès revient aux Japonais qui malgré la perte de
leur porte-avion Shoho et d'un destroyer, ont coulé le porte-avion
américain Lexington, le destroyer Sims et le pétrolier
Neosho que les aviateurs avaient pris pour un porte-avion. Les Américains
avaient trop dispercé leurs forces et cela leur coûta en
coordination. De leur côté les Japonais préféraient
n'avoir qu'une ligne de front contre les avions et les sous-marins.
Mais d'un autre côté, si on considère les enjeux
et la stratégie développée, les Américains
venaient de remporter une manche puisque par les dommages qu'ils infligèrent
aux Japonais (Shoho par le fond, Shokaku très endommagé
et les avions du Zuikaku disséminés) ils forcent ceux-ci
à renoncer temporairement au débarquement à Port
Moresby puisque les Japonais ont pour plan l'attaque de Midway et des
Alouétiennes où les navires et avions sont requis.
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200 navires
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Task Force 16 sous
les ordres de l'amiral Spruance - 155 avions |
Force de Porte-avions
sous les ordres de l'amiral Nagumo - 245 avions |
Porte-Avions |
Enterprise : 78 avions (27 F4F-4, 37 SBD-2/3, 14 TBD-1) (Air
Group 6)
Hornet : 77 avions (27 F4F-4, 35 SBD-1/2/3, 15 TBD-1) (Air Group
8)
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Porte-Avions |
Kaga : 74 avions (coulé le 4/6) (27 A6M. 20
D3A. 27 B5N)
Akagi : 60 avions (coulé le 4/6) (24 A6M. 18 D3A. 18 B5N)
Hiryu : 57 avions (coulé le 5/6) (21 A6M. 18 D3A. 18 B5N)
Soryu : 57 avions (coulé le 4/6) (21 A6M. 16 D3A. 18 B5N.
2 D4Y1) |
Croiseurs lourds |
Minneapolis : 3 tourelles triples de 200 mm
New Orleans : 3 tourelles triples de 203 mm
Vincennes : 3 tourelles triples de 203 mm
Northampton : 3 tourelles triples de 200 mm
Pensacola : 2 tourelles doubles et 2 tourelles triples de 200 mm
(Coulé le 14/11/1942 au large de Guadalcanal)
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Cuirassés |
Hiei : 8 tourelles doubles de 355 mm (Coulé
le 20/06/44 lors de la bataille de L'ile de Savo)
Kirishima : 8 tourelles doubles de 355 mm (Coulé le 15/11/42
lors de la bataille de l'île de Savo) |
Croiseur léger |
Atlanta : 16 canons de 127 mm
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Croiseurs lourds |
Chikuma : 4 tourelles doubles de 200 mm (Coulé
le 25/10/44 par l'aviation américaine lors de la bataille de Samar)
Tone : 4 tourelles doubles de 200 mm (Coulé le 25/08/45
à Kure par l'aviation américaine) |
Destroyers |
9 |
Croiseur léger |
Nagara : 8 tourelles doubles de 135 mm (Coulé
le 7/08/44 par un sous-marin au large de Kyushu) |
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Destroyers |
11 |
Task Force 17 sous
les ordres de l'amiral Fletcher - 75 avions |
Groupe de bombardement sous les
ordres de l'amiral Kurita
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Porte-Avions |
Yorktown : 75 avions (25 F4F-4, 37 SBD-3, 14 TBD-1)
(Coulé) (Air Group 5) |
Croiseurs lourds |
Kumano : 5 tourelles triples de 150 mm (Coulé
le 25/11/44 dans la baie de Manille)
Suzuya : 5 tourelles triples de 150 mm (Coulé le 25/10/44
lors de la Bataille de Samar)
Mogami : 5 tourelles triples de 150 mm (Coulé le 25/10/44
lors de la bataille du détroit de Surigao)
Mikuma : 5 tourelles triples de 150 mm (Coulé le 06/06/42
lors de la bataille de Midway) |
Croiseurs lourds |
Astoria : 3 tourelles triples de 203 mm
Portland : 3 tourelles triples de 203 mm
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Destroyers |
6 |
Midway |
Avions |
Marine Air Group 22 :
VMF-221 Major Floyd B. Parks, USMC (KIA)
(21 F2A + 7 F4F-3)
VMSB-241 Major Lofton R. Henderson, USMC,
KIA (17 SB2U3 + 19 SBD-2)
Navy :
Détachements Patrol Wings 1 et 2
(PBY-5 and PBY-5A Catalinas) (31 avions)
VT-8 TBF Avenger détachement (USS
Hornet) (6 avions)
7th Army Air Force :
4 B-26 Marauders Capt. James Collins, USA
17 B-17 Flying Fortress Lt. Col. Walter C. Sweeney, USA
|
Pertes aériennes : 150 appareils |
Pertes aériennes : 332 Appareil et 216 pilotes tués |
L'US Navy joua son va-tout pour conserver Port Moresby
au cours de la bataille de la mer de Corail. Moins d'un mois plus tard,
à Midway, les pilotes de Nimitz portaient un coup sévère
à la puissance navale japonaise en coulant quatre porte-avions
: ils modifiaient ainsi le cours de la guerre.
Le l mai 1942, les Japonais pouvaient se féliciter
d'avoir atteint tous les objectifs qu'ils s'étaient assignés,
en décembre 1941, dans leur projet de création d'une vaste
« zone de coprospérité » en Extrême-Orient.
Dans le tourbillon des six mois qui venaient de s'écouler, n'avaient-ils
pas envahi le Siam, la Malaisie, la Birmanie, Bornéo, Java, les
Célèbes et, pour finir, les Philippines ? Près
de 340 000 soldats alliés avaient été faits prisonniers,
tandis que six cuirassés, un porte-avions, sept croiseurs et
de nombreux navires de transport avaient été coulés.
En outre, les forces nippones revendiquaient - avec l'exagération
de rigueur - la destruction de 3 500 appareils
ennemis (contre 596 pertes). Les
armées du Japon impérial étaient au sommet de leurs
capacités. Les plans du Daihonei (grand quartier général
impérial) prendraient désormais plus d'ampleur qu'en décembre
1941. La puissance nippone devrait atteindre Midway et les Aléoutiennes,
et, au sud, l'Australie, par-delà le bastion de Port Moresby,
en Papouasie. Affecté à l'opération Mo (qui consistait
à occuper les îles Salomon et Port Moresby), le 4e Kantai
du vice-amiral Inouye, à Rabaul, disposait de groupes de transport
appropriés, d'une force mobile (le 5e Kokusentai,
du contre-amiral Hara, avec le Zuikaku et le Shokaku),
d'un groupe de soutien (les hydravions du Kamikawa
Maru, plus les Aichi E13A1 du Kiyokawa
Maru) et d'un groupe de couverture (le Shoho, avec douze
A6M2 et neuf B5N2, et les croiseurs lourds Aoba, Kako,
Kinugasa et Furutaka).
Ces groupes de transport, de soutien et de couverture
avaient pour mission de gagner les îles Solomons, d'ouvrir une
brèche dans l'archipel de la Louisiade, puis de remonter au nord-ouest
jusqu'à Port Moresby. Le Zuikaku et le Shokaku (125
avions) pareraient aux mouvements de l'US Navy et feraient route vers
l'est de Santa Isabel et de San Cristobal, dans les îles Solomons.
La 25e flottille de l'aéronavale japonaise, basée à
Rabaul, disposait de quarante et un G4M1, dix huit A6M2 (dont six se
trouvaient à Lae) et douze H6K4 et Nakajima A6M2-N à Simpson,
Tulagi et Tonelei (Shortland Island). En outre, 45 Reisen et 45 G4M1,
provenant des îles Truk, étaient attendus à Rabaul
pour le 4 mai.
Grâce aux progrès importants accomplis
dans le déchiffrage du code secret japonais, l'Admiral Nimitz,
informé à l'avance de l'opération Mo, put adopter
des dispositions préventives. Le l mai, à Nouméa,
le Rear Admiral Frank J. Fletcher prit le commandement de la Task Force
17, hâtivement constituée, qui réunissait les navires
du TG-17.2 et du TG-17.3, ainsi que le Yorktown et le Lexington,
appartenant au Task Group 17.5, du Rear Admiral A.W. Fitch (avec plus
de cent quarante Grumman F4F-3, TBD-1 et SBD-3 embarqués).
La première étape de l'attaque nippone
débuta le 3 mai avec le débarquement à Tulagi.
A 11 heures, le contre-amiral Aritomo Goto retira le Shoho de
ce secteur et l'envoya renforcer les éléments qui devaient
investir Port Moresby. Le lendemain à 8 h 15, Fletcher lança
un raid sur Tulagi avec les avions embarqués sur le Yorktown,
avant de rejoindre le Lexington, le 5 mai à 8 h 16. La
bataille de la mer de Corail commença véritablement deux
jours plus tard. A 12 heures, les équipages du Zuikaku
et du Shokaku gaspillèrent leurs munitions et leur énergie
dans un raid aérien qui permit cependant de détruire le
pétrolier Neosho et l'USS Sims. Ce dernier coula
presque instantanément tandis que le premier connaissait le même
sort quelques jours après seulement. En dépit de ces pertes,
c'est bel et bien Fletcher qui emportait la première manche.
Le Shoho, qui devait déjà compter avec les Boeing
B-17E de la base de Nouméa et dont les AFM2 étaient occupés
ailleurs, tomba sous le feu des avions du Yorktown ; atteint
par des bombes de 454 kg, la coque déchirée par plusieurs
torpilles Mk 13 (lâchées par le VT-5 du Lieutenant Commander
Joe Taylor), le porte-avions sombra à
11 h 35. Le 8 mai, les Japonais donnèrent la mesure de leur fureur.
Tandis que le Yorktown et le Lexington lançaient
des attaques contre le Shokaku à 10 h 57, pour contraindre
le vice-amiral Takeo Takagi à le retirer du combat, des B5N2
et des D3Al s'envolaient des porte-avions nippons pour partir à
l'assaut du Task Group 17.5, de Fletcher. A 11 h 20, le Lexington,
atteint par une torpille, parvenait néanmoins à récupérer
ses appareils. Toutefois, à 12 h 47, le navire fut ébranlé
par une impressionnante explosion interne. L'équipage dut l'abandonner
dans la soirée, les destroyers de l'US Navy se trouvant dans
l'obligation de l'envoyer par le fond un peu plus tard. Les pertes aériennes
furent lourdes des deux côtés : 80 avions japonais et 66
américains avaient été détruits au cours
de la première grande bataille de porte-avions livrée
sur le théâtre du Pacifique.
DES AMBITIONS ACCRUES
Après les victoires faciles du début,
la stratégie offensive des Japonais s'en était d'abord
tenue à la nécessité de protéger les territoires
conquis. A partir de mai 1942, les opérations maritimes sur le
théâtre du Pacifique eurent pour but d'étendre l'influence
nippone vers l'est, sur trois axes principaux : les Aléoutiennes
occidentales, l'île de Midway (assez proche d'Hawaii) et Port
Moresby (et, par voie de conséquence, au sud-est, la NouvelleCalédonie,
Samoa et les îles Fidji). L'opération sur Midway, conçue
entièrement par le commandant en chef des forces navales, l'amiral
Isoroku Yamamoto, devait être la plus importante de l'été
: elle mobiliserait la totalité de la flotte américaine
du Pacifique dans une confrontation décisive. L'échec
des Japonais dans leur tentative de prendre Port Moresby donnait à
l'offensive sur Midway une importance supplémentaire. Informé
à l'avance de l'opération Mo, Nimitz avait pu contrecarrer
les mouvements de la flotte nippone lors de la bataille de la mer de
Corail (5-7 mai 1942) ; et, si les Américains avaient perdu le
Lexington, les Japonais avaient enregistré la destruction
du porte-avions léger Shoho.
L'occupation de Midway devait être précédée
par une attaque de diversion, bien plus au nord, contre les bases américaines
des Aléoutiennes. Le 5 juin 1942, en effet, les troupes japonaises
débarqueraient à Kiska et à Attu (Aléoutiennes)
afin d'y établir des défenses. Au même moment se
déroulerait l'invasion de Midway, au terme d'une série
de bombardements intensifs.
La force du Nord, affectée à l'opération
contre les Aléoutiennes, était commandée par le
vice-amiral Hosogaya et consistait en plus de trente bâtiments
de guerre et de transport. Elle regroupait également les éléments
nécessaires à l'occupation de Kiska et à Attu,
et bénéficiait du soutien de la 2e force de combat embarquée
du contre-amiral Kakuji Kakuta (4e Kokusentai)
; le porte-avions léger Ryujo disposait de 16 Mitsubishi
A6M2 et de 21 Nakajima B5N2, tandis que le Junyo, qui venait
d'être lancé, emportait les 24 A6M2 du lieutenant Yoshio
Shiga (As aux 6 victoires) et les 21 Aichi D3A1 du lieutenant
Zenji Abe. Une force d'appui éloigné
comprenait le porte-avions léger Zuiho (24 avions), quatre
cuirassés, trois croiseurs légers et trois destroyers.
La force du Nord quitta Ominato à la fin du
mois de mai. Le 3 juin 1942, 36 appareils qui avaient décollé
du Ryujo et du Junyo pour un raid sur Dutch Harbor y endommagèrent
sérieusement les réserves de carburant et les installations
portuaires, et abattirent deux Consolidated PBY-5. Le mauvais temps
compromit un second raid. De retour d'une de ces missions, un A6M2 fut
atteint par une balle perdue, son pilote étant contraint d'atterrir
sur l'île d'Akutan. Le Reisen, qui s'était posé
sur un terrain marécageux, capota, et le sous-officier Tadayoshi
Koga eut le cou brisé. Une patrouille américaine
découvrit l'appareil quelques semaines plus tard. Pratiquement
intact, l'avion japonais fut transféré à Fort Mears,
puis à San Diego, où il fut démonté, examiné
dans les moindres détails, réassemblé et testé
en vol. Cette prise fut sans aucun doute la plus riche, dans le domaine
aérien, de toute la guerre du Pacifique.
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LA BATAILLE DECISIVE
(4 - 7/6/42)
Les cuirassés et les croiseurs de Yamamoto constituaient,
avec le ler Koku-Kantai,
du vice-amiral Nagumo, le fer de lance de l'offensive sur Midway. Le
Shokaku ayant été récemment endommagé
et mis hors de combat, la force principale de Nagumo reposait sur les
227 appareils (72 A6M, 72 D3A1, 81 B5N2 et 2 Yokosuka D4Y1-C Suisei)
embarqués sur les porte-avions Kaga, Akagi, Hiryu
et Soryu. A bord de ces bâtiments se trouvaient, confiants
et entraînés, les équipages qui s'étaient
illustrés, notamment, à Pearl Harbor, à Wake et
à Ceylan. Dans l'entrepont, les A6M2 du 6e
Kokutai de la force expéditionnaire de Midway étaient
gardés en réserve (36 appareils supplémentaires).
Même le vieux porte-avions léger Hosho avait été
engagé avec ses huit B5N2, tout comme le Nisshin et le
Chiyoda, transports d'hydravions rattachés à la
flotte principale de Yamamoto.
Mais à Midway, comme dans le cas de la bataille
de la mer de Corail, les services américains déchiffrèrent
les messages codés et avertirent à temps Nimitz des intentions
japonaises. Au prix d'un effort surhumain, les équipes de réparateurs
de Pearl Harbor parvinrent à remettre en état le Yorktown
avant la bataille. Les appareils embarqués sur ce porte-avions
constituaient la force de combat du Rear Admiral Frank J. Fletcher (TF-17),
avec des Douglas TBD-1 et SBD-3 et des Grumman F4F-4 Wildcat. Les porte-avions
Enterprise et Hornet formaient la TF-16, du Rear Admiral
Raymond A. Spruance, leurs unités aériennes étant
respectivement placées sous le commandement du Lieutenant Commander
C.W. McClusky et du Commander Stanhope
C. Ring.
Au total, 232 appareils (auxquels venaient s'ajouter
119 autres basés au sol) étaient embarqués sur
les porte-avions américains.
Les forces japonaises en route pour Mid«ay furent
localisées pour la première fois par des PBY-5 le 3 juin
à 9 heures (heure de Midway), à 1 125 km à l'ouest
de l'île. Dans après-midi, les B-17E attaquèrent
des navires, mais sans remporter de succès. Pendant route la
nuit, les Américains suivirent avance des forces nippones. A
5 h 45, les patrouilles de Catalina aperçurent les premiers éléments
aériens japonais, 108 appareils placés sous le commandement
du lieutenant Joichi Tomonaga. Quelques
minutes plus tard, un PBY-5 repérait les porte-avions japonais
à seulement 255 km au nord-ouest de Midway.
A l'approche de l'ennemi, tous les avions décollèrent
de l'île, les chasseurs orbitant, à 4 570 m d'altitude,
autour des B-17, B-26A, TBF-1 et Vindicator qui devaient attaquer les
porte-avions ennemis. A 6 h 33, les B5N2 et les D3A1 de Tomonaga infligèrent
de très sérieux dommages aux installations de Sand et
de Midway. Incapable de rivaliser avec les A6M2 qui assuraient la couverture
de l'opération, le VMF-221, du Major
Floyd B. Parks, fut littéralement
décimé, perdant en combat douze F2A-3 et trois F4F. Des
pertes sévères furent aussi infligées au VMSB-241,
du Major Lofton R. Henderson, dont treize
SBD-2 et SB2U-3 ne revinrent pas. Les seize B-17E du 431st
Bomb Squadron, commandé par le Lieutenant Colonel W.G.
Sweeney, attaquèrent à leur tour, mais ne parvinrent
pas, une fois de plus, à stopper les porte-avions dans leur avancée.
Au même moment, Nagumo assistait au retour du
premier appareil expédié sur Midway, Tomonaga suggérant
de lancer une seconde attaque. Tandis que ses avions étaient
réapprovisionnés pour un nouveau raid sur l'île,
Nagumo fut averti de la présence inattendue d'un puissant porte-avions
américain. Les appareils furent alors équipés et
réarmés avec des torpilles Type 91 et des bombes de 250
kg. L'opération prit un temps précieux. A 9 h 25, les
premiers TBD-1 furent détectés au ras des flots. Aussitôt,
un essaim de A6M2 fondit sur eux et se livra, en l'espace d'une matinée,
à un véritable massacre. Sur les 41 TBD-1 (auxquels s'ajoutaient
trois F4F-4), 35 furent abattus. Le VT-3,
le VT-6 et le VT-8
étaient anéantis, et les trois officiers qui les commandaient
avaient été tués. Mais la revanche n'était
pas loin.
Après de longues recherches, les avions du Yorktown
et de l'Enterprise localisèrent le ler
Koku-Kantai, de Nagumo, qui s'occupait alors de récupérer
ses A6M2. Virant à 5 485 m d'altitude, les SBD-3, qui étaient
équipés chacun d'une bombe de 454 kg, piquèrent
en direction de leur cible. Les engins du VB-6
(Lieutenant R.H. Best) frappèrent
l'Akagi, tandis que ceux du groupe McClusky
(du porte-avions Enterprise) ébranlaient le Kaga.
Enfin, le VB-3 (Lieutenant Commander Maxwell
F. Leslie) trouva et bombarda le Soryu. L'attaque avait
débuté à 10 h 25 et, trois minutes plus tard, les
trois porte-avions n'étaient plus que des épaves en flammes.
Toutefois, le Hiryu, encore intact, disposait d'éléments
aériens suffisamment importants pour monter un raid d'envergure.
L'opération, dirigée contre le Yorktown, eut lieu
à 11 h 58. Les dégâts provoqués par cette
attaque furent aggravés à 14 h 42 par l'action des B5N2,
qui frappèrent le porte-avions. Accusant 25° de gîte,
le Yorktown fut sabordé.
A 17 h 5, le Hiryu fut localisé et coulé
par des SBD-3 appartenant au Hornet et à l'Enterprise
; la bataille prenait fin. Les pertes de la Marine impériale
japonaise étaient catastrophiques : quatre cuirassés lourds
et un croiseur (le Mikuma) avaient été envoyés
par le fond, 332 avions avaient été détruits, soit
en combat, soit à bord des porte-avions; les 216 pilotes expérimentés
qui avaient été tués seraient très difficiles
à remplacer. Les pertes américaines se montaient quant
à elles à un porte-avions, au destroyer Hamman et à
150 des 307 appareils engagés.
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LA GUERRE DANS LES ALEOUTIENNES
(6/42 - 1943)
Le 6 et 7 juin 1942, les îles de Kiska et d'Attu,
dans les Aléoutiennes, furent occupées par les Japonais.
Un nouveau front s'ouvrait dans une région caractérisée
par un des climats les plus pénibles et les plus instables de
toute la planète. Les Aichi E13A2, Nakajima E8N2 et Mitsubishi
F1M2 du Chïtose, du Chiyoda
et du Kamikawa-Maru furent renforcés
par des Nakajima A6M2-N, mis en place dans le port de Kiska. La présence
aérienne américaine sur le théâtre d'opérations
était assurée par la 11th Air Force,
du Brigadier Général William O. Butler, à laquelle
étaient à l'origine subordonnés le 36th
Bomb Squadron (avec des Consolidated B-24», les 11th
Fighter Squadron, 18th Fighter Squadron
et 54th Fighter Squadron du 343rd
Fighter Group (Curtiss P-40F et Bell P-39D), les 73rd
Bomb Squadron et 77th Bomb Squadron
(North American B-25B et Martin B-26A), et enfin le 42nd
Transport Squadron. Dès le départ, les B-24 effectuèrent
de fréquentes sorties sur une distance de 1930 km, d'Unmak et
de Cold Bay à Kiska, avec une charge normale de 1 590 kg. Les
patrouilles de chasse dans la zone des bases américaines étaient
assurées par des P-40 et des P-39, qui furent renforcés
en juillet par les Lockheed P-38F-1L0 Lightning du 54th
Fighter Squadron ; le 4 août, des P-38 abattirent deux Kawanishi
H6K4 appartenant au Kokutai Toko. Une véritable
guerre d'usure s'ouvrait ainsi.
Pendant la période du 3 juin au 31 octobre 1942,
la 11th Air Force, renforcée désormais
par les 404th Bomb Squadron et 406th
Bomb Squadron ainsi que par diverses unités de l'US Navy
équipées de PBY-5A et de Lockheed PV-1 Ventura, revendiqua
la destruction de 45 appareils. Ses propres pertes, qui atteignaient
72 avions, traduisaient surtout le caractère effroyable du climat
et la difficulté d'opérer dans les Aléoutiennes
; sur ce total, neuf machines seulement avaient été abattues
par les chasseurs japonais. En plus des raids de bombardement sur Attu
et Kiska, la 11th Air Force assura la couverture
des opérations amphibies destinées à reprendre
les îles occupées par les forces nippones. C'est ainsi
qu'Adak fut reconquise sans résistance le 30 août, tandis
qu'Amchitka l'était le 12 janvier 1943. Kiska se trouva alors
à la portée des P-40N et des P-38, et de leurs bombes.
Comme il était à prévoir, les premières
manifestations d'une résistance sérieuse se produisirent
lors du débarquement américain à Attu, le 11 mai.
Les Japonais utilisèrent pour la première fois sur ce
théâtre d'opérations leurs bombardiers basés
à terre, en l'occurrence ceux de la base de Paramushiro (nord
des Kouriles).
C'est le 10 juillet 1943 que la 11
th Air Force lança ses premières attaques contre
les bases des Kouriles ; ce jour-là, huit B-25C du 77th
Bomb Squadron descendirent sous la protection d'une épaisse
couche de nuages et bombardèrent les ports de Paramushiro et
Shimushu ; tous revinrent au terme de cette mission, qui avait duré
neuf heures. Dès lors, l'aviation de l'armée et l'aéronavale
japonaises furent contraintes de maintenir de puissantes forces de chasse
(A6M2 et Nakajima Ki-43) dans le nord des Kouriles afin de s'opposer
aux attaques des Liberator et des B-25 Mitchell de la llth Air Force,
et de contrer les raids des PV-1 et PV-2 de l'US Navy. En août
1943, les Japonais retirèrent leurs forces de Kiska.
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